Et puis, en toute fin de l'hivers, l'occasion se confirme. On y retourne.
Elle est là bas, invisible pour le moment, mais omniprésente, cachée derrière les collines.
Deuxième jour de roulage, on va la voir. La tester. D'abord l'entrée, savoir si le ruisseau est franchissable, puis au 2/3 en contournant l'obstacle, et en empruntant un long chemin en ligne droite, parsemé de rochers, à la pente régulière, sur plus de 2kms 300.
Finalement, on en fait la fin, les 5 derniers lacets, raides, sur plus de 700m, mais que tous franchissent, avec plus ou moins d'efforts.
Dans les esprits, c'est jouable, enfin pas pour tous.
On y retournera tous ensemble, chacun allant aussi haut qu'il pourra, dans cet enfer minéral, ce chaos de pierre, cette pente imposante, histoire de partager, d'encourager, d'accompagner, de participer.
Il me voudrait comme lièvre. Je veux bien l'accompagner autant que je le pourrais, mais en second, histoire de savoir, que ça passe. Après, l'aider autant que possible.
Bien vite, CRICRI arrête. L'eau du ruisseau , n'était pourtant pas si haut.300 m tout de même.
José s'accroche, malgré ses cotes douloureuses.600 m, avant de jeter l'éponge.
Le premier gros palier est atteint au bout de 700 m et ponctuer d'un beau soleil, pour la HM.
Reprise du souffle, repérage à pieds. Lucky se lance. Je le suis à pieds. Après bien des efforts il passe, ce terrible passage et file.
Je monte, essoufflé, le sentier sur près de 400 m. Plus un bruit. La montage absorbe les rugissements du moteur, les sifflements de pneus.
Long silence.
Enfin, 3 ruptures, à peine audible, tel un drapeau planté au sommet, me font comprendre, qu'il est en haut.
Il arrive.
1450 m d'un effort infini, ruisselant, rouge comme son casque, les yeux brulés par la sueur, mélange de joie et douleur, l'ont transformé en fantôme épuisé.
Je me dit qu'il a pleurer, mais ne dit rien. Il me donne, l'impression d'un premier de cordée, revenant de l'Everest.
Il m'avouera plus tard, n'avoir pas eu la conscience suffisante, pour comprendre que j'avais rebouché son embout de camel back, un peu plus bas, après avoir bu. Et s'évertuera à pomper sans résultat, pensant son sac vide.
"Le dernier gauche est une grosse marche qu'il faut prendre extérieure, les derniers 30 m une horreur." me dit il, encore essoufflé.
A pieds j'ai déjà la sueur qui me coule dans le dos. Pas très engageant tout ça. J'ai pourtant décidé de continuer, tenter ma chance.
Mais à force d'erreurs, faute de pouvoir, physiquement, me mettre debout sur la moto, je n'ai plus de démarreur. Je me bat maintenant avec le kick pour la relancer. J'irai jusqu'au 1100 m de sentier. Mais vidé, comme ma batterie, je renonce.
Sans force, la descente est pénible.
Il s'excusera le lendemain soir, de m'avoir abandonné dans la pente, sachant qu'en continuant à m'aider, il n'aurait pas eu la force d'aller en haut.
T'as bien fait l'ami, t'as bien fait de vivre ton rêve.
Roadbook