Villebret, charmante petite commune rurale du sud-ouest de l'Allier, à une quinzaine de kilomètres au sud de Montluçon. Le dynamique moto club local vient d'organiser le dimanche 26 juin 2011, la 5ème manche du championnat de France d'enduro pour motos anciennes ainsi qu'une épreuve de Family. Au total, 520 inscrits, dont environ 200 en anciennes, répartis en plusieurs catégories jusqu'à 1985 (année de fabrication). Personnellement, je suis inscris en trail d'avant 1980.
Nous arrivons, Marius, mon fils de 12 ans et moi, sur le site le samedi vers 14h30 et surprise, déjà beaucoup de monde et bien sûr les quelques places onbragées sont squattées! Dommage car le soleil est chaud, très chaud, + de 30 °C à l'ombre...sans ombre. Après tout, ce n'est pas bien grave, nous ne sommes pas là pour faire du camping. L'ennuyeux, c'est que ce fut comme cela tout le dimanche (mais là j'anticipe!). Bon, après plantage de la guitoune, je file au contrôle administratif, super organisation, au moins 7/8 postes avec 3 filles chacun et flèchage des différentes catégories. En 2 temps 3 mouvements, tout est vérifié, on me dit que les horaires de pointage seront affichés vers 21 heures et je repars avec une brochure et un tee shirt. Mazette, l'affaire est prise en main par des compétents.
La brochure me confirme le parcours indiqué lors de mon inscription. Pour le championnat motos anciennes, nous aurons deux tours de 90 km avec deux spéciales différentes par tour. Au milieu de chaque tour, nous repasserons sur le paddock pour un contrôle horaire avec possibilité de ravitailler la moto. Total annoncé 180 bornes. Avec cette chaleur, je doute un peu, j'me dis que j'aurai peut être dû m'inscrire en family car ils ne font "que" 130 km, je crois qu'il y a des possibilités pour les individuels. N'ai je pas été ambitieux? prétentieux?...stupide? De toute façon, trop tard pour tergiverser, t'as signé c'est pour en c...
Je continue de me débarasser des obligations par le contrôle technique de la moto. Si les modernes inscrites en family ont droit au sonomètre et vérif d'éclairage, pour les anciennes, le contrôleur de la FFM vérifie surtout les plaques d'immatriculation et l'équipement du pilote. Ensuite, touche de peinture avec signature sur le cadre et le silencieux. Ambiance globale décontractée, je vois bien que tout ce petit monde se connaît et partage la même passion. Il ne me reste plus qu'à pousser la moto dans le parc fermé; elle n'en sortira que pour le départ.
J'ai donc tout l'après midi pour repérer les deux spéciales. C'est pas que je vise le scratch, mais autant essayer de mettre tous les atouts de son côté pour limiter les risques! Grâce au plan fourni et au fléchage, nous trouvons la 1ère spéciale à une quinzaine de kilomètres. Le site est agréable car ombragé (enfin!). Le tracé, à vu de nez de 2/3 km, tournicote dans un sous bois avec des clairières, sur un coteau assez pentu, mais sans excès. Les bouts droits les plus longs font moins de 100m. Rien de techniquement difficile, mais globalement, attention à ne pas prendre un arbre. Je repère tout de même une descente qui fini par un virage à angle droit et avec en face, un dénivelé brutal de quelques mètres, plein de ronces et qui bien sûr, finit par un ruisseau! Un peu plus loin, une bonne grimpette devra m'inciter à prendre un bon élan, car je remarque une cassure en plein milieu. Le tour complet à pied, environ ¾ d'heure et...nous avons très soif!
Je reprends le fourgon direction la 2ème spéciale (c'est bien la clim!). Du bord de la route, d'un seul coup d'oeil, on la voit presque entièrement. Un beau tracé dans une prairie pentue mais sans obstacle. Un participant revenant de son repérage me confirme qu'il n'y a ni piège, ni saut mais beaucoup de virages en dévers. J'ai pas envie de marcher une heure en plein soleil et je retourne sur le site.
J'aimerai bien zieuter un peu les différentes motos, mais impossible, elles sont presque toutes dans le parc fermé et bien sûr l'accès est interdit et surveillé. C'est une petite frustration pour l'amateur de belle mécanique que je pense être, car je vois bien qu'il y a matière, mais inaprochable. Je suis toujours curieux d'examiner les détails de finition de chaque machine et parfois ça donne de bonnes idées pour sa propre moto.
J'attendrai tranquillement l'affichage des horaires en discutant le bout de gras à droite et à gauche, puis en dînant copieusement.
21h15, verdict: les premiers partent à 8h00, 4 par 4 toutes les minutes. Pour moi ce sera 8h41. Les contrôles horaires s'échelonnent sur la journée et ont tous lieu sur le site du départ, à coté du paddock. Donc, tout le matériel de ravitaillement et d'entretien peut rester dans le fourgon, près de la tente. Mon horaire de fin est programmé pour 16h46. Vingt Dieux! Oui oui! Vous avez bien lu, si je vais au bout et dans les temps, je vais me tapper 8h00 de moto! Et si je dépasse mon temps imparti ?...Mieux vaut ne pas penser à ça, aller, vas te coucher!
Le réveil était programmé pour 7h00, mais dès 6h30, je me lève, j'suis un peu stressé! Je prends mon temps pour un petit déjeuner très organisé. Sur les conseils avisés d'un pote qui a fait 20 ans d'enduro, mon épouse adorée m'a préparé un gateau énergétique sophistiqué que je dois consommer fractionné jusqu'à une petite heure avant le départ. Il existe plein de recettes et des produits commerciaux type "Gatosport". J'en avais deux différents, aussi étouffe chrétien l'un que l'autre (bien que je ne sois pas croyant!) mais très nourrissant et énergétique pour un faible volume. Beaucoup de thé sucré pour faire couler et c'est parfait.
7h45, briefing de l'organisation. Discours convenu sur la sécurité, le respect des biens et des personnes, mais également une précision relative à la fin du parcours des anciennes. Après les 180 bornes, nous devrons encore repartir pour refaire la spéciale n° 2 et une dizaine de kilomètres supplémentaires! Ils sont fous, ils veulent nous tuer? Au chapitre du positif, on nous indique que les horaires sont larges, ouf!
8h41, enfin je pars. Dans un premier temps je me contente de suivre un collègue parti dans le même horaire et aussi en DTMX. Quand il s'est loupé dans un virage, je suis passé devant et l'on a inversé les rôles jusqu'à la spéciale 1, soit environ 30 km. Le parcours est roulant et sec, mais très cassant. Faut toujours être debout car on rencontre constamment des trous, des bosses et des pierres. Nous avons bien roulé mais sans prendre de risques, la journée s'annonce longue! Les chemins sont variés, vallonnés et globalement étroits, souvent bien incapables d'accueillir un tracteur, en fait, nous empruntons régulièrement des sentiers. Dans ce début de tracé, il n'y a vraiment qu'un passage délicat, une longue côte zigzagant entre les arbres avec des rochers. Des marshals aident les nécessiteux, et ils ne chômment pas. Nos DTMX, légères et basses, monterons sans trop de difficulté. La descente est très longue (100 m?) et entre les arbres. Si le câble de frein avant casse, je saute de la moto et j'irai la récupérer en bas...ou contre un arbre! Sauvé, il a tenu!
La spéciale 1 est juste après. Je me donne une minute pour reprendre mon souffle et me réhydrater, et c'est parti. Je fais gaffe, ce serait facile de se faire un gros bobo. Je me rappelle de la reconnaissance de la veille et je prépare un bon élan dans la courbe précédent la bosse délicate, mais quand j'y arrive, pas de chance, une moto est en vrac dans la trajectoire. Je force sur la gauche, mais je prends vite conscience que ça ne passera pas et j'organise ma redescente avant de tomber. Je recommence par la droite...et ça passe! J'ai peut être perdu 20 ou 30 secondes, je ronchonne dans ma tête, et pourtant, maintenant que j'écris ça, à froid, qu'est ce que ça peu foutre! Le reste de la spéciale se passe sans problème, comme la liaison jusqu'au CH 1. J'y arrive avec 25 mn d'avance. Super, je file à la tente, retrouve le fiston surpris de me voir si tôt. Je contrôle la moto, ravitaille en essence, huile la chaîne et bois comme un trou. A ce sujet, j'avais préparé 4 litre d'isostar, dont 2 étaient dans le Camelback. Dès le début du parcours, j'ai appliqué les conseils du pote pour prévenir la déshydratation "tu dois régulièrement avoir envie de pisser, c'est bon signe" et donc j'ai bu dès que possible, à chaque petit bout de bitume. Mais il fait déjà chaud et la petite pose me fait du bien.
10h31, je repars du CH 1 pour le 2 ème tronçon. D'entrée, on attaque la spéciale 2, RAS, facile et amusante. Le reste du parcours est souvent magnifique mais toujours très cassant, avec de belles montées, des descentes (évidement!con!), plein de petits chemins escarpés avec beaucoup de virages en appui. Du pur bonheur! Une partie, balisée natura 2000, est encore plus belle que le reste. Une petite dizaine de kilomètres, en sous bois, entre des arbres majestueux et avec des ruisseaux dans tous les bas. Le rêve de tout enduriste.
J'arrive au CH 2 vers 12h05 et je m'occuppe comme au CH 1, mais je me force à manger une barre énergétique. Je suis presque à mi-course, j'ai fait 90 km en un peu moins de 3 heures de roulage effectif et je me sens en pleine forme et je ne pense que des bonnes choses de l'organisation. Le fléchage notamment m'a bluffé. Toutes les intersections étaient fléchées de la façon suivante: à 100m, 3 flèches, à 50 2 flèches, à l'intersection 1 flèche, 20 m plus loin encore 1 flèche pour confirmer. Et si avec tout ça, tu t'es loupé, les mauvaises directions sont fléchées en croix après le carrefour. Tout ça sur un parcours de 90 km!!! J'ai pas précisé précédement, mais les spéciales étaient rubalisées des 2 côtés, en totalité. A l'actif des organisateurs, il faut ajouter que toutes les traversées de ruisseaux étaient aménagées avec des passerelles, écologie oblige, et il y en avait beaucoup.
12h31, je repars du CH 2, pour le troisième tronçon (en fait, la reprise du 1er , vous suivez toujours?). La côte délicate du premier passage, pose encore plus de problèmes et crée un gros bouchon. Je suis (comme d'autres) obligé de couper le moteur pendant près de 10 mn pour que ceux de devant passent un par un. Arrive mon tour, ça le fait sans trop de soucis, mais après, faut descendre! Plus de 500 motos sont passées, le sol est labouré, entre les cailloux et les arbres. Je serre les fesses, je descends tout doucement et je suis content d'être en bas. J'ai pris mon temps, mais aucun des clients qui attendaient dans mon dos, impatients pour monter, ne m'a rejoint, doit y'en avoir encore un en vrac!
La spéciale qui suit se passe bien, d'autant plus que la grimpette délicate a été courcicuitée. Mais à la fin, j'ai quand même un coup de barre et le retour vers le parc et le contrôle se fera plus tranquillement qu'au premier passage. J'arrive au CH 3 avec seulement 15 mn d'avance et je sens bien que le physique a baissé d'un cran. Je suis parti depuis plus de 5 heures et ça commence à tirer dans les jambes. J'ai concience que la suite va se compliquer.
14h22, je repars du CH 3 très en colère après moi, car j'ai pas fais gaffe au temps qui passe trop vite et j'aurai dû me présenter à 14h21! Je prendrai une pénalité. Évidement, maintenant(3 jours plus tard), j'en rigole. Je refais la spéciale 2, mais, fatigue aidant, je glisse bêtement jusqu'au sol dans un des nombreux virages en dévers. Pas grave, sauf que je casse la cocotte du levier d'embrayage. Je vois qu'en alignant les morceaux cassés et en m'appliquant, je peux l'utiliser. Bien sûr, je continue, de toute façon, à part pour démarrer ou relancer l'embrayage ne me sert pas beaucoup. Quelques kilomètres après la spéciale, je me déséquilibre à nouveau, dans une portion sans aucune difficulté. En me relevant, je me rends parfaitement compte que je perds de ma lucidité et me dis qu'il devient urgent de ralentir. Je pense à mon fils qui m'attend et à mon objectif de départ: terminer dans les temps. La course, c'est pour les autres. Je repars, mais je n'ai plus les moyens de jouer les crosseux, me mettre debout est un suplice, je ne le fais plus naturellement, mais sur ordre quand je vois les cassures approcher, et encore souvent je reste assis et prend un coup de raquette (17 cm de débattement à l'arrière). A cet instant, il me reste 40 km jusqu'au prochain CH. Je les ferai, sans aucun plaisir, la niaque m'a abandonnée et je roule avec un seul objectif: ne pas tomber. Vers 15h00, mon camelback est vide (pas eu le temps de le remplir au CH précédent), manquait plus que ça! La température est infernale, c'est la canicule. En 40 bornes, j'ai vu 2 ou 3 motos abandonnées et Je m'étonne que des quelques pilotes partis derrière moi au précédent CH, seuls 2 m'ont doublé. Heureusement que le fléchage est bon et qu'il y a quelques contrôles de passage, car sinon, je m'imaginerai perdu. Enfin, j'arrive sur le site, je regarde ma montre, mes horaires collés sur le guidon, et là, je n'en croix pas mes yeux, je suis encore dans les temps, il me reste 15 mn pour me présenter au CH 4 et refaire encore une spéciale et environ 10 km. Je file à la tente, bois 1 litre d'eau, remets de l'essence et arrive à l'heure au CH.
16h21, je repars revigoré, me fais la spéciale sans forcer et les 10 km qui suivent. Retour au paddock sans problème, mon compteur affiche 193 km. Je dois pointer avant 16h46, je le fais. Le contrôleur prend mon carton, vérifie et me dis: très bien, t'es dans les temps, tu seras classé. Je le remercie et fais demi tour pour me retrouver face à mon fils. Je suis un peu comme un zombie, mais heureux et je lui dis, avec un sourire de joie "Marius, ça y est, j'ai réussi". Je vois bien qu'il ne percute pas le sens profond que ça représente pour moi donc je n'insiste pas. Évidement, pour lui, j'avais une course à faire, je l'ai fait, point à la ligne. Il a raison. N'empêche qu'à ce moment précis, fatigué et libéré brutalement du stress de la journée, je suis envahi par l'émotion, je regrette vraiment que ma femme n'ai pas pu venir, j'aurai aimé la prendre dans mes bras!
Fin de l'histoire.
Moralité: Faut travailler le physique!... mais ça m'emmerde!